Accueil > Actualités > Allaitement maternel et influences commerciales : La Suisse, mauvaise élève ?

19 JANVIER 2015 – En vue de l’examen de la Suisse par le Comité des Droits de l’Enfant les 21 et 22 janvier 2015, IBFAN-GIFA met l’accent sur l’importance d’une stratégie cohérente et dénuée de toute influence commerciale relative à l’allaitement maternel et à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant.

Si la Suisse peut être félicitée d’avoir révisé sa législation afin d’octroyer à toutes les travailleuses des pauses allaitement rémunérées au cours de la première année de vie de leur bébé et d’avoir subséquemment ratifié la Convention 183 du BIT sur la protection de la maternité, il lui reste des progrès à faire en matière d’allaitement maternel et d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant.

En effet, la Suisse ne possède toujours pas de stratégie cohérente portant sur la protection, l’encouragement et le soutien à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, basée sur la Stratégie mondiale sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant[1] ainsi que sur la Convention des Droits de l’Enfant (notamment les Observations générales 15 et 16). Ceci est mis en évidence encore en 2020 d’après le Rapport WBTi Swiss (World Breastfeeding Trends initative, voir notre page WBTi)

Initiée en 2008, la stratégie suisse de promotion d’une alimentation saine incluait certes la promotion de l’allaitement maternel par le biais d’une fondation nationale, mais actuellement, seuls quelques cantons financent des projets d’envergure limitée en vue d’encourager la pratique de l’allaitement.

En Suisse, la volonté politique, la planification et les ressources sont insuffisantes pour créer un environnement favorable à l’allaitement maternel et ainsi permettre aux parents de prendre les bonnes décisions concernant l’alimentation de leur enfant sur la base d’informations correctes et neutres. Si plus de la moitié des enfants suisses naissent dans un établissement certifié « Amis des bébés », les quelques indicateurs internationaux disponibles révèlent des chiffres préoccupants (taux d’initiation précoce de l’allaitement de 66% et taux d’allaitement exclusif de 14%). En outre, aucune donnée sur la continuation de l’allaitement jusqu’à 1 ou 2 ans n’est disponible. Enfin, la Suisse connaît un fort taux de césariennes (33%), ce qui selon de récentes études constitue une barrière à l’allaitement maternel[2] .

Par ailleurs, la protection de l’allaitement reste insuffisante. En application de la Convention relative aux droits de l’enfant (et plus particulièrement des Observations générales 15 et 16), les Etats sont tenus de mettre en œuvre le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel et les résolutions ultérieures pertinentes de l’Assemblée Mondiale de la Santé. Pourtant, la loi suisse ne couvre pas toutes les mesures du Code international et ne s’applique qu’aux préparations pour nourrissons de moins de 6 mois (souvent appelés « laits premiers âge »); de surcroît, le suivi de cette législation n’est pas mené de façon indépendante, puisque le panel responsable du suivi est composé à part égale d’experts et de représentants de l’industrie alimentaire pour bébés.

Par conséquent, il est fréquent que les mères de nourrissons de 4 mois reçoivent des échantillons de laits de suite et d’aliments de complément. Il est également courant que les parents reçoivent des informations contradictoires, y compris de la part des professionnels de santé. Ces derniers n’ont en effet pas suffisamment accès à une formation sur l’allaitement qui ne soit organisée en collaboration avec le lobby industriel et ils se retrouvent souvent face à des situations de conflits d’intérêt engendrées par les liens financiers étroits existants entre leurs associations professionnelles et l’industrie alimentaire pour bébés.

[1] Adoptée par l’Assemblée Mondiale de la Santé en 2002.

[2] Rowe-Murray H.J., Fisher J.R. Baby-friendly hospital practices: cesarean section is a persistent barrier to early initiation of breastfeeding. Birth. 2002 Jun; 29(2): 124. Available at: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12000413.

Recommandations à la Suisse :

  • Mettre en place un système de collecte de données sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant qui permet le suivi des indicateurs internationaux en la matière ;
  • Développer une stratégie nationale cohérente sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant ;
  • Améliorer les curricula des professionnels de santé et renforcer leur formation, qui devrait être dénuée de conflits d’intérêts  et organisée de manière indépendante de toute influence du lobby alimentaire;
  • Renforcer l’application et le respect du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, et mettre en place un système de suivi indépendant ;
  • Renforcer la mise en œuvre de l’Initiative Hôpitaux Amis des Bébés et inclure le critère « mother-friendly » pour encourager des pratiques plus naturelles autour de la naissance et permettre un meilleur départ à l’allaitement maternel ;
  • Faire en sorte que les compagnies suisses de l’alimentation de l’enfant respectent leurs obligations extraterritoriales et respectent le Code international, dans tous les pays, en conformité avec les Observations générales 15 et 16 émises par le Comité des Droits de l’Enfant.

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