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12.11.2024

Un liquide bio-dynamique

Le lait maternel (LM) est un produit physiologique adapté aux besoins du bébé. Ce n’est pas seulement une ressource de nutriments, il contient aussi des composés bioactifs précieux (6 fois plus d’éléments que les autres laits de mammifères). 

Il y a de nombreux effets biologiques qui s’entrecroisent et sont mutuellement en synergie dans un système multifactoriel complexe, faisant intervenir en synergie hormones et enzymes du plasma maternel avec celles du tube digestif du bébé.

C’est le meilleur aliment pour les nourrissons. Il satisfait la totalité des besoins nutritionnels du nourrisson jusqu’à six mois, 1/2 des besoins entre 6 et 12 mois, et plus de 1/3 entre 12 et 24 mois.

« Le lait maternel est l’aliment idéal pour les nourrissons. Il est sûr, propre et contient des anticorps qui les protègent de beaucoup de maladies infantiles courantes.
Le lait maternel apporte toute l’énergie et les nutriments dont le nourrisson a besoin pendant les six premiers mois de vie, et continue de couvrir la moitié ou plus de ses besoins nutritionnels pendant le second semestre de vie et jusqu’à un tiers de ceux-ci pendant la deuxième année. » Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Les bénéfices de l’allaitement sont dose-dépendant. Plus longtemps l’enfant est allaité, plus l’allaitement apporte de bénéfices pour la santé de la mère et de l’enfant.



Fonctions prébiotique et probiotique

Considéré comme prébiotique et probiotique, le lait maternel permet l’adaptation du bébé à son milieu de vie par la colonisation bactérienne de son tube digestif. 

Par un mécanisme encore mal connu, la mère transmet son microbiote par le biais des glandes mammaires. 
Son régime alimentaire, la prise de médicaments (antibiotiques en particulier) et son environnement jouent un rôle important sur la composition de son propre microbiote. 
La variabilité de la composition bactérienne du microbiote intestinal du bébé allaité peut être expliquée par la concentration d’une cytokine polypeptidique ou TGT (transforming growth factor).     

Le bébé né par césarienne ne bénéficie pas de la colonisation par la flore maternelle au passage de la filière génitale. La mise au sein lui permet de constituer en partie sa flore par le biais du microbiome du lait maternel et du microbiome cutané de sa mère par le contact peau à peau.

Pour les néonatologues, le LM est un médicament qui favorise une croissance harmonieuse du bébé prématuré, et la prévention de certaines complications liées à son immaturité, en particulier l’entérocolite nécrosante (effet protecteur sur les intestins de la protéine neuréguline-4).

Le lait préterme est plus riche en protéines totales, IgA, lysozyme pendant les 2 premières semaines postpartum. 
Au cours de la période totale d’allaitement, la composition du LM varie et s’adapte aux besoins du nourrisson.

Composantes du lait maternel


Eau

L’eau fait 87% du lait maternel. Cette quantité d’eau assure une hydratation optimale du nourrisson. Un apport supplémentaire n’est pas nécessaire même en cas de forte chaleur ou de fièvre, à condition que l’enfant puisse téter sans restriction.  

Glucides


(80 g/L, 4 Kcal/g) dont 85 % de lactose Le Lactose assure une importante source d’énergie. Il favorise l’absorption du calcium, ce qui contribuerait à la prévention du rachitisme. Il favorise une flore intestinale spécifique de bifidobactéries.
Il est scindé par l’enzyme Lactase en : glucose (qui assure l’activité physique) et galactose (pour le développement du cerveau).

Les Oligosaccharides  (Human Milk Oligosaccharides) sont des sucres complexes spécifiques du lait humain.

Ils se comportent comme des probiotiques et favorisent l’installation et la prolifération d’une flore intestinale spécifique et inhibent le développement des germes pathogènes.

Lipides

Les lipides comptent pour 38 g/L, 9 Kcal/g en moyenne). Ils constituent la principale source d’énergie (env. 50% des calories totales). 

L’âge gestationnel du bébé influe sur le type et la quantité de graisses dans le lait maternel.
La teneur en acides gras dépend de la qualité des graisses composant les apports alimentaires de la mère.

La meilleure digestibilité des graisses du lait maternel tient à la présence d’une lipase dépendante des acides biliaires du nouveau-né qui compense au niveau duodénal, l’insuffisance des lipases pancréatiques.

Les acides gras essentiels sont nécessaires au développement cérébral et neurosensoriel du bébé.
Ils ont la fonction de se convertir en acides gras polyinsaturés à chaîne plus longue : oméga 6, oméga 3 et DHA (acide docosahexaénoïque), composants qui ont un rôle démontré dans les processus de maturation cérébrale et rétinienne. 


 Le cholestérol : Le lait maternel contient beaucoup de cholestérol (2.6 à 3.9 mM/L). C’est une composante essentielle à la croissance, à la réplication et au maintien des cellules

Les enfants allaités ont un apport élevé de cholestérol comparativement à celui des adultes et un niveau de cholestérol plasmatique plus élevé que les enfants recevant des préparations pour nourrissons (PPN).

Cet apport élevé en cholestérol pourrait avoir un effet qui perdure sur la capacité de l’enfant à métaboliser le cholestérol, et être protecteur à long terme pour les maladies cardiovasculaires de l’adulte. 

Protéines

La faible teneur en protéines du lait maternel (environ 8 à12g/L, 4 Kcal/g) est adapté à l’immaturité rénale et hépatique du bébé (4 fois moins de protéines que dans le lait de vache).
Ces protéines se décomposent d’une façon plus complète et sont mieux absorbées par le système digestif du nourrisson que les protéines des PPN.

Les protéases du lait maternel clivent activement les protéines au niveau de la glande mammaire, amorçant la libération de peptides fonctionnels, soit plus de 1100 peptides uniques dérivés de cette hydrolyse. 
Ainsi l’enfant reçoit des protéines partiellement prédigérées et de nombreux peptides bioactifs potentiels. 

Les caséines (40 % des protéines)


Les caséines ne représentent que 40 % des protéines du lait maternel contre 80 % pour le lait de vache et forment des micelles beaucoup plus petites que celles du lait de vache.
Lors de sa dégradation, la caséine Béta libère des peptides à activité biologique (activité opioïde ou anti-infectieuse).

Les caséines favorisent un rapport calcium/phosphore optimal pour leur absorption. 
Le pourcentage élevé de protéines solubles et les micelles de caséine de petite taille favorisent une vidange gastrique plus rapide qu’avec les PPN. 
Cette coagulation fine permet une vidange gastrique de 60 à 90 minutes à la différence de la coagulation en gros blocs des PPN avec une vidange gastrique de 3 heures. 

Les protéines du Lactosérum (60 % des protéines)

  • l’alpha-lactalbumine (3,5 g/L), productrice de lactose nécessaire à la construction du cerveau humain 
  • la lactotransferrine ou lactoferrine (1,5 g/L) s’approprie le fer sérique nécessaire au développement de certaines bactéries. Elle serait capable de cibler les bactéries pathogènes en formant des capsules qui viennent encercler la bactérie et percer sa membrane cellulaire pour l’englober et la tuer.
  • le lysosyme est une glycoprotéine dont le rôle essentiel est la lyse bactérienne. Son taux lacté augmente avec le temps.
  • des Immunoglobulines, en particulier les IgA de type sécrétoire (IgAs, 0,5 à 1 g/L)
  • des facteurs de croissance comme l’Insuline-Like Growth Factor (IGF1), le Transorming Growth Factor (TGF), les facteurs de croissance leucocytaires (g-CSF) et l’Epidermal Growth Factor (EGF) qui a une action trophique sur les muqueuses gastrique et intestinale. 
  • des cellules immunocompétentes : Macrophages, polynucléaires, lymphocytes
  • des Immunoglobulines : Le bébé reçoit des Immunoglobulines A dirigées contre les bactéries pathogènes du milieu de vie de sa mère.
  • La Neuréguline-4 (NRG4), une protéine présente seulement dans le lait maternel, procure l’effet protecteur contre la destruction intestinale en cause dans l’entérocolite ulcéronécrosante chez le prématuré.
  •  Des Acides aminés essentiels
    Le lait maternel est riche en Taurine et en Cystine. 
    Il est 5 à 10 fois plus riche en acides aminés libres que les PPN notamment en glutamate/glutamine, auxquels on attribue un rôle trophique sur l’intestin. 
     

Enzymes

Les protéases, lipases et amylases favorisent la digestion des protéines, graisses et amidon ingérés par l’enfant.

Sels minéraux

​​​La teneur en sel minéraux (2,50 g/L) du lait maternel permet de limiter la charge osmolaire rénale à des valeurs assez faible (93 mOsm/L).
Cette faible charge osmolaire rénale constitue une sécurité en cas de pertes hydriques excessives, par transpiration ou diarrhée, en permettant de mieux assurer le maintien de l’équilibre de la balance hydrominérale.
Les différents oligoéléments, comme le Fer et le Zinc, ont une meilleure biodisponibilité en raison des ligands présents dans le lait maternel, qui facilitent leur absorption. 

  • Le Sodium assure une protection contre la déshydratation. 
  • Le Calcium: le lait maternel contient 4x moins de Calcium que le lait de vache mais il est mieux assimilé grâce à la proportion calcium-phosphore et la teneur élevée en lactose.
  • Le Fer, lié à la lactoferrine, est résorbé par la haute teneur en lactose et vitamine C. Si l’allaitement est exclusif, il n’y a pas besoin de supplément en fer pendant les 6 premiers mois de vie de l’enfant.
  • L’iode et le fluor 
    Sauf en cas de carence de la mère, une supplémentation n’est pas recommandée pour les nourrissons allaités. 
    En Suisse, le sel alimentaire est enrichi en iode (25mg/kg de sel) et en fluor (250 mg/kg de sel).

Vitamines

Le taux de vitamines dans le lait maternel est influencé par l’alimentation de la mère

  • Vitamines liposolubles ADEK

La Vitamine A est présente en quantité suffisante sauf chez la mère sous- alimentée.

Le taux de vitamine D du lait maternel est affecté par le statut maternel pour cette vitamine et une augmentation des apports augment ce taux : exposition à la lumière du soleil, supplémentation adéquate (recommandation de 400 UI/j)

Le taux de vitamine E (antioxydant) dans le lait maternel est plus élevé dans le Colostrum et diminue ensuite avec la progression de la lacation. 

Le lait maternel contient peu de vitamine K.
La Société Suisse de Néonatologie recommande l’administration de 3 doses de vitamine K (Konakion MM 2 mg par exemple) 4 heures après la naissance, le 4ème jour de vie et à l’âge de 4 semaines. 

  • Vitamines hydrosolubles

La concentration en vitamine C dans le lait maternel est en corrélation positive avec l’apport maternel en vitamine C provenant des aliments, dans le cas d’un régime sans complément. 
La vitamine C présente dans les aliments est beaucoup mieux absorbée et passe dans le lait maternel qui la vitamine C provenant de suppléments. 

Les Vitamines du groupe B
sont à supplémenter si la mère est végétalienne ou vegan (ne mange aucun produit animal)

Hormones

L’interaction entre le facteur de croissance analogue à l’insuline et la glycine-proline cyclique du lait maternel est similaire à celle rapportée chez d’autres mammifères. Elle peut jouer un rôle important dans la définition des trajectoires de croissance des nourrissons au-delà de la première année de vie.
Un lait plus élevé en IGF-1 est associé à un poids plus élevé à 13 mois (p = 0.004) mais un poids plus faibre à 3 ans (p = 0,011) et 5 ans (p = 0,049).
 
Le lait maternel contient une hormone, la cholécystokinine, qui favorise la satiété et l’endormissement du bébé en fin de tétée.

Données récentes

Cellules souches

Le lait maternel est une riche source de cellules souches mésenchymateuses multipotentes. 
Les cellules souches du lait maternel survivent dans l’intestin du nouveau-né et traversent sa paroi intestinale pour entrer dans la circulation sanguine du bébé.
Elle agissent sur la réparation et la régénération tissulaire par différents mécanismes allant du remplacement cellulaire à la modulation des réponses immunitaires et inflammatoires.


HAMLET


L’Alphalactalbumine contenue dans le lait maternel pourrait être une substance anticancéreuse. La HAMLET (Human Alphalactalbumine Made Lethal to Tumor cells) se forme suite à la précipitation de la caséine en raison du PH bas de l’estomac. Cela induit une modification de la structure spatiale de l’Alphalactalbumine et sa liaison avec un acide gras. Son efficacité a été démontrée tant in vitro que sur des modèles animaux, et sur divers types de cancer. De plus, elle n’a aucun impact sur les cellules saines et sa toxicité est nulle. (Ho et al. 2017 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006291X1631779X)


TRAIL

(Tumor Related Apotosis Inducing Lingand) est une cytokine provoquant l’apoptose des cellules tumorales. 
Présent dans le Colostrum avec une concentration 400 fois plus élevée que dans le sang humain, ainsi que dans le lait mature à une concentration 100 fois plus élevée que dans le sang, il pourrait avoir un rôle significatif dans la médiation de l’activité anticancéreuse du lait maternel.

MicroARN

Le lait maternel est riche en microARN qui exercent des fonctions de protection et de développement immunitaires spécifiques des tissus du nourrisson. 
La composition en microArn est modifiée au fin de l’allaitement. Ceci peut refléter le remodelage de la glande mammaire en réponse à des modèles d’alimentation du nourrisson qui changent généralement au moment de la diversification alimentaire, ce qui suggère une adaptation aux besoins de l’enfant.

Voir la page consacrée à l’Epigénétique

Myo-inositol

Selon une étude de 2023, la formation et le maintien de la connectivité cérébrale sont guidés par une interaction entre la génétique, l’expérience et l’environnement. L’impact de ces facteurs peut être considéré comme particulièrement important à deux étapes de la vie, lorsque les connexions synaptiques se forment rapidement dans le cerveau en développement et lorsque les synapses sont progressivement perdues au cours du vieillissement (1, 2). L’alimentation est un facteur environnemental, mais les effets des composés alimentaires bioactifs sur la formation et le maintien de la connectivité neuronale restent à définir. Au début du développement postnatal, le lait maternel est riche en micronutriments et en composés bioactifs qui pourraient favoriser le développement du cerveau. En effet, ce fluide complexe et dynamique offre des bénéfices à court et à long terme pour la santé des nourrissons, notamment une meilleure performance dans les tâches cognitives (3-5). En outre, des études d’observation menées à l’autre bout de la vie confirment que les facteurs alimentaires peuvent être associés à un vieillissement cérébral sain (6, 7). Paquette AF et al. The human milk component myo-inositol promotes neuronal connectivity. PNAS 2023 ; 120(30) : e2221413120. Mots-clés : lait humain, myo-inositol, développement cérébral, formation des synapses. https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2221413120

Variations de la composition et de l’aspect du lait maternel

Au cours de la période totale d’allaitement, la composition du lait maternel varie.

Le colostrum

Premier lait à la naissance, le colostrum, est un véritable concentré nutritionnel particulièrement bien adapté aux besoins du nouveau-né.

Le colostrum de couleur jaune-orangé est plus épais que le lait mature. 
Il est particulièrement riche en protéines (42 g/L) et en anticorps. 
Il contient également des sels minéraux, des vitamines, des enzymes.

Les petits volumes du colostrum permettent au bébé d’apprendre à téter et déglutir au sein avec des quantités progressives, de démarrer en douceur ses systèmes digestifs et enzymatiques et d’épargner son foie et ses reins encore immatures.
La concentration en sel permet au bébé d’adapter son pourcentage en eau :
le foetus est constitué de 75% d’eau ; par la respiration, le nouveau-né s’ajuste en quelques jours à son nouveau milieu aérien et se stabilise à 65% d’eau

Le colostrum exerce une fonction laxative : il favorise l’évacuation du méconium, premières selles contenues dans les intestins du nouveau-né.

La meilleure immunité observée chez les nourrissons nourris au sein  est ainsi attribuée au colostrum.
Les types d’anticorps rencontrés dans le colostrum dépendent des agents infectieux auxquels la mère a été exposée durant son existence, soit naturellement, soit par vaccination.
Ils aideront le nouveau-né à lutter contre d’éventuelles infections et à se forger un solide système immunitaire.
Les premiers jours de vie du bébé, la perméabilité de ses cellules intestinales permet encore de laisser passer ces grandes molécules ; plus tard, ces anticorps seront détruits au cours du processus de digestion.

Lorsque l’enfant ne peut pas accéder au sein à la naissance, la mère peut collecter son Colostrum pour le donner à son bébé. 

Expression du colostrum pendant la grossesse et après l’accouchement – Elacta – Lactation and Breastfeeding 01/2019
 

Du colostrum au lait mature


Dans les premières semaines, le volume de lait augmente ainsi que la teneur en lactose, alors que celle des oligosaccharides diminue. Le lait s’éclaircit pendant la phase de transition pour devenir plus blanc lorsqu’il est mature. 

  • Les sels minéraux diminuent de moitié.
  • La proportion des protéines est divisée par dix. La teneur en acides aminés libres baisse pour remonter ensuite légèrement.
  • Parallèlement, la proportion des lipides double.
  • La concentration en graisses est la variable la plus importante du lait maternel et les graisses contribuent à un peu plus de la moitié des apports énergétiques du lait maternel.
  • La concentration en graisses peut augmenter au fur et à mesure de la tétée proportionnellement à la vidange du sein, mais ce concept doit être nuancé :

Richesse du colostrum vs lait mature

Richesse du colostrum vs lait maternel 
Protéines4 à 5 fois plus
Lipides3 fois moins
Lactose1.5 fois plus
Autres glucides2 fois plus
Anticorps4 à 5 fois plus
Enzymes2 à 4 fois plus
Sels minéraux1.5 fois plus

Chronobiologie du lait maternel

La chronobiologie, l’étude des rythmes biologiques en lien avec le temps, a des implications fascinantes dans le domaine de l’allaitement maternel. Le lait maternel, produit par le corps de la mère en réponse aux besoins changeants de son bébé, est bien plus qu’une simple source de nutriments. Ce lait varie en effet au fil de la journée, en fonction des rythmes circadiens, pour mieux répondre aux besoins énergétiques, nutritionnels, et même psychologiques du nourrisson. Cette dynamique influence directement la santé, le développement et le sommeil de l’enfant.

Comment le lait maternel change au cours de la journée ?

Le lait maternel présente des variations naturelles dans sa composition en fonction des heures de la journée. Le matin, par exemple, il contient davantage de cortisol, une hormone qui aide à stimuler l’éveil et l’attention. En revanche, le lait produit en fin de journée est souvent plus riche en mélatonine, une hormone qui favorise la relaxation et la préparation au sommeil. Ce lait nocturne est également plus riche en tryptophane, un acide aminé précurseur de la sérotonine et de la mélatonine, aidant ainsi les bébés à réguler leur cycle veille-sommeil.

Cette modulation hormonale permet de synchroniser l’horloge biologique du nourrisson avec celle de la mère, un avantage important pour les nouveau-nés qui ne disposent pas encore de rythmes circadiens bien établis. Ce phénomène permet à l’enfant d’adopter progressivement le rythme jour-nuit, favorisant un sommeil plus réparateur et une meilleure régulation des comportements.

Les variations nutritionnelles en fonction du moment de la journée

Les besoins nutritionnels des bébés ne sont pas constants tout au long de la journée, et le lait maternel s’adapte de façon remarquable. En journée, le lait contient davantage de lactose, ce qui apporte de l’énergie pour les activités et l’éveil. De plus, la concentration de graisses peut varier : le lait du soir est souvent plus riche en lipides, contribuant ainsi à une satiété plus longue, idéale pour la nuit.

Les anticorps et autres facteurs immunitaires connaissent aussi des variations circadiennes. Dans certaines études, le lait produit le soir semble plus riche en anticorps spécifiques, ce qui pourrait offrir une protection immunitaire accrue pendant la nuit, moment où l’organisme se concentre sur les processus de récupération et de renforcement immunitaire.

Pourquoi la chronobiologie du lait est-elle importante pour l’allaitement ?

Dans le cadre de l’allaitement direct, les bébés bénéficient naturellement des variations chronobiologiques du lait maternel. Cependant, pour les mères qui tirent leur lait pour des raisons professionnelles ou personnelles, il est important de noter que le moment du prélèvement peut influencer le profil du lait donné à l’enfant. I peut être utile d’étiqueter les biberons selon le moment de la journée, pour offrir un lait « matinal » ou « nocturne » aux bébés en fonction de leurs besoins spécifiques.

Certaines études explorent également l’impact des horaires d’allaitement sur la gestion des coliques, des pleurs nocturnes et des troubles du sommeil chez les nourrissons. Offrir un lait du soir riche en mélatonine avant le coucher pourrait ainsi contribuer à apaiser les bébés et favoriser une meilleure qualité de sommeil, tant pour l’enfant que pour les parents.

La chronobiologie du lait maternel et le développement des rythmes biologiques chez l’enfant

La chronobiologie du lait maternel ne joue pas seulement un rôle nutritionnel ; elle agit également sur le développement des rythmes biologiques de l’enfant. Dès la naissance, le bébé est en contact avec les rythmes circadiens de sa mère à travers l’allaitement, ce qui l’aide à construire progressivement ses propres cycles veille-sommeil. Ce processus est essentiel, car la mise en place d’un rythme circadien bien régulé est associée à des bénéfices à long terme, incluant une meilleure santé mentale, une meilleure régulation émotionnelle et un métabolisme plus équilibré.

En somme, la chronobiologie du lait maternel est un domaine passionnant qui révèle à quel point le corps humain est capable de répondre de manière dynamique et adaptative aux besoins changeants des bébés. Ces découvertes ouvrent des perspectives intéressantes non seulement pour l’amélioration des pratiques d’allaitement, mais aussi pour une meilleure compréhension des besoins spécifiques des nourrissons en fonction du temps.

Dans la mesure où la production de lait maternel (LM) a un cycle circadien (24h) et que certains composants du lait maternel ont par conséquent un cycle de 24h, voilà un aperçu :

  • La prolactine a son pic dans la nuit (2h-6h) et ce pic est d’autant plus important que les seins auront été vidés auparavant (un sein plein bloque la production, un sein vidé l’accélère).
  • La tryptophane (un précurseur de la mélatonine et de la sérotonine, hormones de « détente ») a son pic vers 3h du matin.  Source :  Cubero, J. et. al., (2005), “The circadian rhythm of tryptophan in breast milk affects the rhythms of 6-sulfatoxymelatonin and sleep in newborns,” Neuro Endocrinology Letters, 26(6):657-61.
  • La mélatonine a son pic vers 3h du matin. Source :  Engler, Cohen, et. al., (2012), “Breastfeeding may improve nocturnal sleep and reduce infantile colic: potential role of breast milk melatonin,” European Journal of Pediatrics 171(4):720-32.

Lait de début de tétée – lait de fin de tétée – qu’en est-il ?

Vous avez peut-être lu que la concentration de graisses augmente au fur et à mesure de la tétée, proportionnellement à la vidange du sein. Cette affirmation doit être nuancée. Le site web de La Leche League International indique ceci :

« Le lait de début de tétée est le lait disponible lorsque votre bébé commence à téter, le lait de fin de tétée est le lait que votre bébé reçoit à la fin d’une tétée. Le premier lait n’est pas nécessairement faible en matières grasses : la teneur en matières grasses du lait qui est retiré varie en fonction de la durée pendant laquelle le lait s’est accumulé dans les conduits et de la quantité de votre sein qui est drainée à ce moment-là.

Au fur et à mesure que le lait est fabriqué, la graisse adhère aux parois des cellules de production de lait et la partie aqueuse du lait se déplace dans les conduits vers votre mamelon, où elle se mélange au lait laissé par la dernière tétée. Plus le temps entre les tétées est long, plus le lait restant devient dilué. Ce lait « aqueux » a une teneur en lactose plus élevée et moins de matières grasses que le lait stocké dans les cellules lactées situées plus haut dans votre sein.

Vous ne pouvez pas déterminer la quantité de graisse que votre bébé a reçue à partir de la durée d’une tétée. Certains bébés prennent une tétée complète en cinq minutes, tandis que d’autres mettent 40 minutes pour obtenir la même quantité. Tant que votre bébé tète efficacement, vous pouvez le laisser décider de la durée de la tétée et il obtiendra toute la graisse dont il a besoin. » https://llli.org/fr/breastfeeding-info/foremilk-and-hindmilk/

La capacité de stockage du sein a une influence sur l’importance des variations de la concentration des graisses. Chez une mère qui a une grande capacité de stockage, le début ou la fin d’une tétée ne correspond pas nécessairement au début ou à la fin du drainage du sein. Il est préférable de laisser l’enfant réguler ses besoins selon son appétit.

Le lait des mères d’enfants de plus d’un an

Les résultats d’une étude menée par Sinkiewicz-Darol E et al (2021) suggèrent un rôle adaptatif du lait humain aux besoins nutritionnels des nouveau-nés et des enfants plus âgés. Cela pourrait favoriser la promotion de l’allaitement à long terme, y compris l’allaitement mixte. Tandem Breastfeeding : A Descriptive Analysis of the Nutritional Value of Milk When Feeding a Younger and Older Child https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33478010/

Le lait humain après la deuxième année de lactation contient des concentrations significativement plus élevées de protéines, de SIgA et d’IgG. La concentration élevée d’immunoglobulines et de protéines au cours d’une lactation prolongée est un argument supplémentaire en faveur de l’allaitement maternel, même après l’introduction d’aliments solides, et devrait être l’un des principaux objectifs de la protection de la santé des enfants. Par conséquent, il est important de considérer, lors de l’élaboration de recommandations, que ce n’est pas seulement le nombre de tétées par jour, mais l’allaitement, en général, qui devrait être poursuivi aussi longtemps que la mère et le bébé le souhaitent, en tant que complément et soutien du système immunitaire en cours de maturation de l’enfant. Czosnykowska-Łukacka MO et al.(2020) https://doi.org/10.3389/fped.2020.00428

Lactoferrine dans le lait maternel. La concentration de Lf dans le lait humain est liée au stade de la lactation ; le colostrum contient plus de 5 g/L, qui diminue ensuite de manière significative pour atteindre 2 à 3 g/L dans le lait mature. Le lait des mères qui allaitent pendant plus d’un an a une valeur standard, contenant des macronutriments dans une composition similaire à celle du lait humain à des stades plus avancés. L’objectif de cette étude était d’évaluer la concentration de lactoferrine lors d’un allaitement prolongé, du premier au 48e mois du post-partum. La valeur moyenne de la concentration en lactoferrine était la plus faible dans le groupe des 1-12 mois de lactation (3,39 ± 1,43 g/L), augmentant significativement dans le groupe des 13-18 mois (5,55 ± 4,00 g/L ; p < 0,006), et restant à un niveau comparable dans les groupes des 19-24 mois et des plus de 24 mois (5,02 ± 2,97 et 4,90 ± 3,18 g/L, respectivement). Czosnykowska-Łukacka MO et al.(2019) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31581741/

La teneur en protéines du lait humain est négativement associée au volume de production du lait, de sorte que la diminution du volume de lait prédit une augmentation de la teneur en protéines. Bien que le contenu nutritionnel du lait humain soit variable, en moyenne, la concentration en protéines du lait au cours des derniers stades de la lactation est sensible à la baisse de la production de lait. Des études datant de plusieurs décennies ont montré une augmentation de la proportion d’immunoglobulines, de lactoferrine et d’albumine sérique pendant le sevrage ou l’allaitement prolongé. Verd S et al. (2018) https://www.mdpi.com/2072-6643/10/8/1124

L’objectif d’une autre étude était de décrire les changements longitudinaux des concentrations en macronutriments du lait humain au cours de l’allaitement prolongé de mères en bonne santé du 1er au 48ème mois. En ce qui concerne la teneur en macronutriments du lait des mères qui allaitent pendant plus de 18 mois, les graisses et les protéines ont augmenté et les glucides ont diminué de manière significative, par rapport au lait exprimé par les femmes qui allaitent jusqu’à 12 mois. En outre, la concentration de graisses, de protéines et de glucides dans le lait maternel de plus de deux ans, du 24e au 48e mois, est restée stable. Czosnykowska-Łukacka MO et al.(2018) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30513944/

Les banques de lait se sont également intéressées à cette question et ont montré, suite aux études, que le lait maternel conserve toutes ses propriétés après la première année de lactation. Si l’enfant tète suffisamment, la quantité de lait reste constante. Au cours de sa 2ème année, l’enfant allaité a une consommation moyenne estimée à 448 ml.

Plus d’information sur l’allaitement prolongé

  • Nutrition, Growth, and Complementary Feeding of The Brestfed Infant – Kathryn G. Dewey PhD – Pediatric Clinics of North America – 02/2021  https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S003139550570287X
  • A longitudinal study of human milk composition in the second year postpartum : implications for human mil banking –  Myriam T. Perrin  et al – Matern Child Nutr 01/2017 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26776058/ 
  • Nutriments and Bioactive Components of Human Milk after one year of lactation : Implication for Human Milk Banks – Sinkiewicz-Darol E. et al – Pediatr Gastroenterol Nutr – 02/2022 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34520401/

Lorsque le lait est tiré

on peut constater que

  • Le lait n’a pas le même aspect en début et en fin de tétée.
  • Le lait peut avoir différentes odeurs en lien avec l’alimentation de la mère.
  • Sa couleur peut varier :
    – Certains médicaments ainsi que certains pigments (vert) ou colorants alimentaires peuvent colorer le lait (jaune, vert, rouge).
    – Des lésions sur la zone aréolo-mamelonnaire comme des crevasses pourront coloriser le lait en rose. 
    – Le « syndrome du tuyau rouillé », présence de sang dans le colostrum en fin de grossesse ou en début de lactation, donne une couleur rouille ou rouge au lait. Il est en rapport avec l’activation de la glande mammaire en préparation à la lactation. Ce phénomène indolore, disparaît habituellement spontanément 5 à 10 jours après la naissance, et le lait ne présente aucun danger pour le nourrisson allaité. associé à la rupture des capillaires sanguins de la glande mammaire, pourront coloriser le lait en noir- brun.
  • Après réfrigération ou congélation, les constituants du lait maternel se séparent, la crème surnage et le reste du lait ressemble à de l’eau. Il suffit d’agiter doucement le récipient avant de donner le lait au bébé.

Plus d’informations sur le lait tiré

Différence entre allaitement et « transfert de lait maternel »

II faut par conséquent distinguer entre

  • l’allaitement maternel avec le contact en peau à peau, une interaction entre la mère et sont bébé et le transfert des anticorps de la mère et des agents anti-infectieux par l’allaitement,
    et
  • l’alimentation avec le lait maternel exprimé par l’intermédiaire d’un appareil puis stocké d’une manière ou d’une autre (réfrigéré, congelé, pasteurisé, lyophylisé).

Cela dit, le lait maternel, sous quelle forme que ce soit (tiré cru, tiré pasteurisé, lait de donneuse individuelle ou laits de différentes donneuses poolés…), sera toujours supérieur à un lait artificiel (préparation industrielle pour nourrisson) qui risque d’être contaminé dès la production (voir la page dédiée) et /ou lors de la préparation des biberons (suivre les Directives de l’OMS pour la préparation, conservation et manipulation).
 

Sevrage

En période de sevrage, la quantité de sodium et de protéines augmente, la concentration en potassium et lactose décroit progressivement.

Comparaison de différents laits

 Lait maternel maturePréparation pour nourrissonsLait de vache
Protides: CaséineLactoserum 1g 0.85g 0.7g1,5-1,7g  3,7g 2.8g 0.7g
Lipides : Acide linoléiquecholestérol3,5 g 350 mg 20 mg2,6-3,9 g 350-740 mg3,5 g 90 mg 13 mg  
Glucides totaux : LactoseOligosaccharides  7,5 g 6.5 g 1,0 g6,7-9,5 g  4,5 g 90 mg traces
Minéraux totaux : SodiumFer  210 mg 10 mg 0.1 mg250-500 mg900 mg 50 mg 0.03 mg

Tableau comparatif lait maternel – préparation pour nourrissons 

La liste des facteurs immunocompétents transmis de la mère à son enfant via le geste d’allaiter est en elle-même considérable mais ne révèle qu’une partie du fonctionnement de l’allaitement : il ne s’agit pas d’un simple assemblage inerte d’ingrédients, mais d’un liquide biologique dynamique résultant d’une production continuelle et adaptative lors de l’allaitement avec le contact peau-à-peau mère-enfant.

Autrement dit, l’adaptation finement nuancée du lait maternel est le résultat d’un dialogue permanent entre l’environnement microbien de la mère et celui de son enfant. Ainsi la mère fournit, en plus des nombreux facteurs immunologiques non spécifiques transmis, des agents anti-infectieux et facteurs immunologiques ciblés pour son enfant.

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