
Déclaration de la société civile – Genève, 25 avril 2016
L’indépendance, l’intégrité et la crédibilité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que sa capacité à remplir son mandat constitutionnel seraient compromises si les États membres ne mettaient pas en place un cadre solide pour protéger l’OMS contre toute influence indue, en particulier celle du secteur privé, des fondations philanthropiques liées au secteur privé et des organisations non gouvernementales (ONG) en conflit d’intérêts.
La réunion intergouvernementale à composition non limitée (OEIGM) se tiendra pendant trois jours, du 25 au 27 avril 2016, afin de finaliser le Cadre d’engagement avec les acteurs non étatiques (FENSA) après un an de négociations.
Nous, membres d’organisations de la société civile d’intérêt public, appelons les participants à la réunion à veiller à ce que le cadre ne soit pas moins strict que les garanties existantes visant à prévenir toute influence indue du secteur privé, et à les renforcer.
Par exemple, les lignes directrices actuelles régissant l’engagement de l’OMS avec le secteur privé limitent l’acceptation de ressources financières provenant du secteur privé pour financer les salaires du personnel de l’OMS. Le projet actuel du FENSA ignore ces restrictions et autorise le Secrétariat à accepter le soutien financier du secteur privé pour payer les salaires du personnel. De même, bien qu’elles ne soient pas pleinement appliquées, les directives actuelles protègent contre les représentants de groupes « à caractère principalement commercial ou lucratif » qui établissent des « relations officielles » avec l’OMS et participent aux réunions des organes directeurs. Le FENSA propose d’autoriser explicitement les associations commerciales internationales et les fondations philanthropiques à établir des relations officielles avec l’OMS.
Sans garanties adéquates, l’OMS ne sera pas en mesure de remplir son mandat constitutionnel en tant qu’autorité de direction et de coordination dans le domaine de la santé mondiale, de fixation de normes et de standards, et de réglementation des pratiques industrielles nuisibles. Le recours au soutien financier du secteur privé risque d’entraîner une mainmise des entreprises sur l’OMS. Le projet de FENSA montre qu’il n’y a même pas de consensus parmi les États membres pour interdire explicitement à l’OMS d’accepter des ressources financières du secteur privé pour ses activités de fixation de normes et de standards, ce qui est particulièrement préoccupant. Nous sommes préoccupés par le fait que, même si divers documents de l’OMS, y compris le projet de texte FENSA, mentionnent des préoccupations concernant les conflits d’intérêts (COI), l’OMS ne dispose pas d’une politique globale pour gérer les COI individuels et institutionnels. Plus important encore, le projet de FENSA, au lieu de combler cette lacune, contient une conceptualisation erronée des conflits d’intérêts. Si les conflits d’intérêts étaient conceptualisés correctement, l’ensemble du texte FENSA serait différent. De même, des garanties contre le risque d’influence indue, en particulier la protection contre les conflits d’intérêts, devraient être mises en place, même en cas d’urgence humanitaire.
Nous regrettons de constater que certains États membres, qui étaient partisans d’une adoption rapide du FENSA, menacent désormais de bloquer la poursuite des travaux visant à renforcer le cadre. Nous appelons les États membres à continuer à œuvrer en faveur d’un cadre solide, capable de préserver efficacement l’indépendance, l’intégrité, la crédibilité et la capacité de l’OMS à remplir son mandat constitutionnel.
Les États membres devraient également se pencher de toute urgence sur la question du financement durable de l’OMS. Il est beaucoup trop risqué d’utiliser le FENSA comme stratégie de collecte de fonds. Actuellement, plus de 80 % du budget de l’OMS est financé par des contributions volontaires liées. C’est la cause principale de la vulnérabilité de l’OMS aux influences indues. Il est urgent que les États membres augmentent leur contribution obligatoire.
Nous appelons les États membres de l’OEIGM (Open Ended Inter-Governmental Meeting) :
- À ne pas céder aux pressions visant à compromettre les garanties contre toute influence indue.
- À repenser et supprimer l’approche FENSA concernant les éléments du secteur privé, par exemple la proposition d’impliquer les entreprises dans la mise en œuvre des programmes, le plaidoyer et le principe d’« inclusivité » pour le secteur privé et les fondations philanthropiques, qui pourraient donner lieu à une influence indue et à de graves conflits d’intérêts.
- De renforcer plutôt que d’affaiblir les garanties contre toute influence indue du secteur privé, des entités liées au secteur privé et des partenariats public-privé. À tout le moins, la FENSA ne devrait pas affaiblir les garanties existantes de l’OMS.
- De mettre en place un système complet, comprenant une politique en matière de conflits d’intérêts fondée sur des concepts cohérents.
- Veiller à ce qu’une telle politique globale en matière de conflits d’intérêts traite le risque de conflits d’intérêts tant individuels qu’institutionnels.
- Protéger pleinement les fonctions essentielles de l’OMS, en particulier ses activités d’établissement de normes et de standards, contre toute influence indue en mettant en place des règles claires interdisant l’acceptation de contributions en espèces ou en nature de la part d’acteurs non étatiques pour les activités d’établissement de normes et de standards.
- Protéger l’indépendance et l’intégrité de l’OMS contre toute influence indue, même lors de situations d’urgence humanitaire.
- Levée urgente du gel des contributions obligatoires et augmentation de celles-ci, afin de réduire la dépendance de l’OMS à l’égard des contributions volontaires. Une telle mesure permettrait de résoudre le conflit d’intérêts institutionnel le plus important de l’OMS et d’économiser les ressources qui seraient autrement consacrées à la mise en œuvre d’un cadre mal conçu.
Appuyé par :
- 1. All India Drug Action Network
- 2. Argentine Network of Positive People (Redar Positiva)- Argentina
- 3. Association for Improvements in the Maternity Services (AIMS)
- 4. Baby Milk Action
- 5. Bangladesh Breastfeeding Foundation
- 6. Berne Declaration
- 7. Breastfeeding Promotion Network of India
- 8. CEFEMINA (Cost Rica)
- 9. Centre for Health Science and Law (CHSL)
- 10. Corporate Accountability International
- 11. Diverse Women for Diversity
- 12. FGEP- Argentina
- 13. Foundation for Research in Science Technology & Ecology
- 14. Geneva Infant Feeding Association (GIFA)
- 15. Global Alcohol Policy Alliance (GAPA)
- 16. Health GAP
- 17. IFARMA Foundation
- 18. INFACT Canada
- 19. Initiative for Health & Equity in Society
- 20. Initiativ Liewensufank
- 21. International Baby Food Action Network
- 22. International Code Documentation Centre
- 23. Institute of Alcohol Studies
- 24. IOGT International
- 25. Knowledge Ecology International
- 26. Lactation Consultants of Great Britain
- 27. Medicus Mundi International – Network Health for All
- 28. NCT (formerly National Childbirth Trust)
- 29. People´s Health Movement
- 30. Positive Malaysian Treatment Access & Advocacy Group (MTAAG+)
- 31. Red Latinoamericana por el Acceso a Medicamentos -RedLAM
- 32. Third World Network
- 33. UK Association of Milk Banks (UKAMB)
- 34. WEMOS
Lire le PDF en anglais: The Civil Society Statement