La 79ème séance du Comité des Droits de l’Enfant s’est tenue à Genève le 24 septembre 2018. En prélude à cette rencontre, IBFAN GIFA avait soumis aux membres du comité un document récapitulatif sur la base du dernier rapport 2015 de la WBTi pour le Niger , réalisé lors de la première phase du projet ANJE. L’exposé d’IBFAN sur la situation du nourrisson et du jeune enfant dans ce pays a présenté un certain nombre de problèmes liés à l’application de la Convention relative aux Droits de l’Enfant dans le pays, surtout en ce qui concerne l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE voir ici). Il a également fait des recommandations.
Entre autres remarques, le Rapport alternatif d’IBFAN a relevé :
-L’absence de données nationales récentes sur les pratiques d’Alimentation du Nourrisson et du Jeune Enfant (ANJE) en conformité avec les définitions et recommandations de l’OMS ; sur ce point, les dernières données disponibles sur les indicateurs relatifs à l’allaitement datent de 2012 ; l’application toujours limitée des politiques nationales existantes concernant l’ANJE à cause du manque de ressources ;
-L’absence de couverture par la dernière loi sur le Code International de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel (CICSLM) qui fut adoptée en 1998 au Niger, de toutes les provisions de ce code ainsi que des résolutions pertinentes ultérieures de l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) ;
-L’utilisation insuffisante des documents de formation sur l’ANJE dans les programmes académiques en soins de santé et qui sont parfois obsolètes ;
-L’identification de seulement 36,1% des hôpitaux du pays portant le label « Hôpital Ami des Bébés » ; le sous-financement de cette initiative et l’absence d’évaluation régulière des établissements agréés ;
-La disponibilité insuffisante de salles d’allaitement sur les lieux de travail, ce qui empêche les mères qui retournent au travail d’allaiter exclusivement leurs bébés jusqu’à l’âge de 6 mois ;
-Le taux toujours élevé des cas de Transmission du VIH de la Mère à l’Enfant (TME) dans le pays (25% en 2015) ; réception par seulement 40% des femmes enceintes vivant avec le VIH de traitements antirétroviraux (ARV) ;
-L’ appui toujours faible des pratiques optimales d’ANJE pour les situations d’urgence et information insuffisante des professionnels de santé au sujet de l’Alimentation du Nourrisson en Situation d’Urgence.
En plus de ces observations, IBFAN a porté à l’attention du Comité dans le même document, plusieurs cas de violations du Code international relevés au Niger entre 2014 et 2017. Certaines violations avaient déjà été mises en évidence dans la publication Regardez ce qu’ils font au Niger !
Pour donner suite à ces remarques, IBFAN avait proposé les recommandations suivantes :
- Collecter systématiquement des données sur l’allaitement et les pratiques d’ANJE ; celles-ci devraient être en adéquation avec les définitions et indicateurs de l’OMS ;
- Allouer de ressources adéquates pour garantir l’application des politiques relatives à l’ANJE ; veiller à ce que le Comité National Multisectoriel ait et exerce un mandat clairement défini;
- S’assurer que toutes les dispositions du Code et les résolutions pertinentes ultérieures de l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) soient traduites en loi nationale ; établir un mécanisme indépendant de suivi et mettre en place des sanctions en cas de violation du Code;
- S’assurer que les programmes de santé sur tout le territoire incluent des documents de formation actualisés sur l’ANJE ;
- Renforcer l’initiative « Hôpitaux Amis des Bébés » et mettre sur pied un contrôle régulier des établissements agréés ;
- Permettre des pauses d’allaitement plus longues et sensibiliser les employeurs à défendre les droits de leurs employés relatifs à la maternité, y compris par la création de salles dédiées à l’allaitement ou à l’extraction du lait.
- S’assurer que toutes les femmes enceintes et vivant avec le VIH reçoivent un traitement préventif des risques de transmission de la mère à l’enfant (TME) et promouvoir davantage d’assistance aux mères vivant avec le VIH afin qu’elles soient bien informées des meilleures méthodes de nutrition pour leurs enfants.
- Réviser et appuyer la politique d’ANJE en situations d’urgence, en conformité avec les Orientations opérationnelles pour le personnel de secours d’urgence et les gestionnaires de programme de 2017, afin d’assurer une protection adéquate de l’allaitement et une gestion convenable de l’alimentation artificielle.
Au cours de la séance, les membres du Comité ont interpellé la délégation du Niger par rapport à la Convention No 183 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) portant sur la protection de la maternité, qui n’a pas été ratifiée par le Niger.
La délégation n’a pas apporté de réponse à cette question ce qui a conduit le Comité à faire la recommandation § 32 (c) (original en anglais) sous l’intitulé « Health and health services », qui préconise à l’Etat du Niger de « Promouvoir, protéger et soutenir l’allaitement maternel, augmenter le nombre d’hôpitaux certifiés « amis des enfants » et mettre pleinement en œuvre le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.»
Le Comité sur les Droits de l’Enfant a également, dans ses observations finales, (document en Anglais) fait des recommandations qui touchent indirectement les problèmes soulignés dans le rapport alternatif IBFAN. Il s’agit des recommandations suivantes :
Allocation de ressources
8 (a) Increase substantial8 (a) Augmenter considérablement et donner la priorité aux allocations dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la nutrition et de la protection afin d’atteindre des niveaux adéquats.ly and prioritize the allocations in the areas of health, education, nutrition and protection to adequate levels.
Collecte de données
9 (a) Améliorer rapidement son système de collecte de données. Les données devraient couvrir tous les domaines de la Convention et être ventilées, entre autres, par âge, sexe, handicap, situation géographique, origine ethnique et milieu socio-économique, afin de faciliter l’analyse de la situation de tous les enfants, en particulier ceux qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité. La collecte et l’utilisation des données devraient être fondées sur le respect des droits de l’homme et du principe d’auto-identification ;
(b) Veiller à ce que les données et les indicateurs soient partagés entre les ministères concernés et utilisés pour la formulation, le suivi et l’évaluation des politiques, programmes et projets visant à la mise en œuvre effective de la Convention.
Mécanisme de suivi indépendant
10 a) Continuer à renforcer le mandat de la Commission nationale des droits de l’homme, notamment son mécanisme de surveillance des droits de l’enfant et sa capacité à recevoir, examiner et traiter les plaintes émanant d’enfants d’une manière adaptée à leur situation ;
Diffusion, sensibilisation et formation
11 Continuer à renforcer ses efforts pour sensibiliser la population aux dispositions de la Convention, notamment en touchant les personnes appartenant à des groupes minoritaires et les populations des zones rurales et reculées.
Coopération avec la société civile
12 Renforcer davantage sa collaboration avec les organisations de la société civile, notamment en apportant son soutien aux services fournis par ces dernières en matière de promotion et de protection des droits des enfants, par le biais d’accords officiels.
Droits de l’enfant et entreprises
13 (a) Établir un cadre réglementaire clair pour les industries, en particulier les industries minières, opérant dans l’État partie afin de garantir que leurs activités n’aient pas d’incidence négative sur les droits de l’homme et ne compromettent pas les normes environnementales et autres, en particulier celles relatives aux droits de l’enfant ;
(b) Veiller à ce que les entreprises, en particulier les entreprises industrielles, appliquent effectivement les normes internationales et nationales en matière d’environnement et de santé, à ce que la mise en œuvre de ces normes fasse l’objet d’un suivi efficace et à ce que des sanctions et des mesures correctives appropriées soient prises en cas de violation, ainsi qu’à ce que les certifications internationales appropriées soient demandées ;
(c) Exiger des entreprises qu’elles procèdent à des évaluations, à des consultations et à une divulgation publique complète des impacts sur l’environnement, la santé et les droits humains de leurs activités commerciales et de leurs plans pour y remédier.
Droit à la vie, à la survie et au développement
17 a) S’attaquer à la pauvreté et aux inégalités structurelles qui sont à l’origine du taux élevé de mortalité infantile dans l’État partie ;
(b) Améliorer ses services de santé afin de réduire la mortalité infantile et juvénile en offrant une meilleure protection contre les maladies évitables, telles que le paludisme, les maladies respiratoires et les maladies causant la diarrhée, en sensibilisant la population aux méthodes de prévention et en fournissant des services de santé appropriés aux mères et des soins postnatals aux nourrissons et aux enfants, en tenant compte de la cible 3.2 des objectifs de développement durable visant à mettre fin aux décès évitables d’enfants de moins de 5 ans ;
(c) Mettre en œuvre les orientations techniques du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre de politiques et de programmes visant à réduire et à éliminer la mortalité et la morbidité évitables des enfants de moins de 5 ans (A/HRC/27/31).
Santé et services de santé
32 (a) Donner la priorité aux mesures visant à améliorer l’accès aux services de santé et de nutrition ainsi que leur qualité, notamment en allouant des ressources financières suffisantes au secteur de la santé et en garantissant la disponibilité de personnel de santé qualifié.
VIH/SIDA
35 (a) Maintenir les mesures mises en place pour prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant, notamment en augmentant le nombre de centres de prévention de la transmission mère-enfant dans les zones urbaines et rurales, et élaborer une feuille de route pour garantir la mise en œuvre de ses plans en allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes ;
(b) Améliorer le suivi médical des mères infectées par le VIH/sida et de leurs nourrissons afin de garantir un diagnostic précoce et un traitement rapide ;
(c) Accélérer l’adoption du Plan d’élimination de la transmission mère-enfant pour 2018-2020 ;
(d) Améliorer l’accès à des services de qualité et adaptés à l’âge en matière de VIH/sida, de santé sexuelle et reproductive ;
(e) Améliorer l’accès et la couverture des traitements antirétroviraux et de la prophylaxie pour les femmes enceintes et les filles infectées par le VIH.
FIN
Les recommandations du Comité constituent un point de départ important pour le travail de plaidoyer national dans le but que la situation du nourrisson et du jeune enfant s’améliore au Niger. IBFAN GIFA, IBFAN Afrique et le groupe national IBFAN au Niger, GAPAIN, travailleront activement pour que les observations finales du Comité sur les Droits de l’Enfant aient un suivi concret sur le terrain.
Liens internes sur le site de GIFA
- Lien vers le Projet ANJE II
- Les Droits de l’enfant
- Alimentation dans des situations d’urgence (ANJE-U)
- Le Code international
