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17.10.2022

Malgré les apparences, la Suisse n’offre pas un contexte très favorable à l’allaitement, avec une application très restreinte du Code International et des conditions cadres méritant amélioration.

La Suisse offre une faible protection des plus jeunes consommateurs et de leurs parents face à l’importante promotion de substituts de lait maternel, biberons et tétines. La protection de la maternité est certes existante mais faible par rapport aux pays nord-européens faisant état de taux d’allaitement plus élevés. Les risques de conflits d’intérêt sont nombreux et la formation des professionnels de santé demeure insuffisante pour accompagner l’allaitement.

Le Rapport WBTi Swiss de 2020 offre un tour d’horizon de la situation et propose des pistes de réflexions.

La Suisse n’a pas développé de stratégie cohérente de protection, promotion et soutien de l’allaitement, contrairement à d’autres pays européens, et aux recommandations de la Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) adopté par l’Assemblée Mondiale de la Santé en 2002. Peu de ressources sont disponibles pour financer des projets de protection promotion et soutien de l’allaitement aux niveaux national et cantonal. Beaucoup de dépliants  d’informations à l’adresse des parents sont financés par les entreprises avec des intérêts commerciaux.

La Suisse pourrait mieux faire pour protéger ses plus jeunes consommateurs et leur permettre, selon l’article 24 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant, et notamment l‘Observation Générale 15 sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible.

IHAB en Suisse

Selon UNICEF Suisse (2013), responsable de l’Initiative Hôpitaux Amis des Bébés IHAB, la Suisse occupait une position de leader en Europe concernant la promotion de l’allaitement, puisque en Suisse près de la moitié des bébés naissaient à cette époque dans quelque 60 établissements certifiés. En 2019, il n’y a plus que 19 établissements certifiés IHAB.

SWIFS 2014

Bien que les taux d’allaitement aient augmenté en Suisse entre 1994 et 2004, ils stagnent depuis, comme le montre la SWIFS 2014 – Swiss Infant Feeding Study.

L’étude suisse sur l’alimentation infantile (SWIFS) est la troisième étude sur l’allaitement et l’alimentation infantile en Suisse. Comme les études de 1994 [7] et 2003 [8], elle a pour objectif essentiel de surveiller la prévalence et la durée de l’allaitement et de l’alimentation des nourrissons en Suisse. L’utilisation d’instruments d’enquête identiques pour recueillir les données sur l’allaitement et l’alimentation infantile permet de comparer les présents résultats avec ceux de 2003 et, en partie, de 1994. Les données sont fournies par une étude transversale basée sur des échantillons aléatoires (n=1650).

L’allaitement maternel est initié par 95 % des mères. Plus de 50 % des enfants ont été allaités exclusivement pendant au moins 12 semaines.
12 semaines, et la durée totale médiane de l’allaitement était de 31 semaines.

Enquête suisse sur la santé 2012

L’Enquête suisse sur la santé 2012 (https://www.bfs.admin.ch/asset/en/349060) a montré qu’environ 88 % des femmes ont allaité leur dernier enfant, et que 25 % des mères ont allaité pendant plus de 4 mois. Cependant, entre 2002 et 2007, la proportion de mères qui n’ont pas allaité n’a pratiquement pas changé. En revanche, le nombre de mères qui ont allaité pendant plus de trois mois était plus élevé en 2007.

Pas de données précises disponibles

Les directives de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sont loin d’être appliquées de manière satisfaisante puisque seuls 14% des nourrissons sont nourris exclusivement au sein jusqu’à la fin du 6e mois et la durée moyenne de l’allaitement n’est que de 31 semaines selon la l’enquête nationale sur l’alimentation 2004 , ces chiffres sont similaires en 2014.

L’indicateur allaitement de l’enquête suisse sur la santé 2012 a certes montré que 88 % des femmes ont allaité leur dernier-né, et plus de la moitié d’entre elles durant plus de trois mois ; cependant, entre 2002 et 2007, la proportion de mères qui n’ont pas allaité n’a guère changé. En revanche, les mères ayant allaité durant plus de trois mois étaient plus nombreuses en 2007. En 2014, 50 % des bébés ne sont plus allaités exclusivement à 3 mois.

Des données plus récentes sur la mise en œuvre des recommandations de l’ OMS (initiation de l’allaitement dans l’heure suivant la naissance, allaitement exclusif pendant 6 mois, et poursuite de l’allaitement pendant 2 ans ou plus) ne sont malheureusement pas disponibles pour la Suisse (Rapport mondial sur la situation des enfants UNICEF). En outre, les recommandations nationales en matière d’allaitement ne sont pas toujours alignées sur les recommandations OMS.

Si la Fondation Suisse pour la promotion de l’allaitement maternel, et l’Office Fédéral de Santé Publique font clairement référence aux recommandations OMS, la position de la Société Suisse de Pédiatrie prête à confusion, puisqu’elle recommande l’initiation de l’allaitement dans les 2 ou 3 heures suivant la naissance, en contradiction avec l’OMS. La Commission de Nutrition de la même Société Suisse de Pédiatrie, stipule que « les recommandations de l’OMS peuvent s’appliquer aussi en Suisse, cependant avec la restriction qu’individuellement l’introduction des aliments de complément est possible et, dans certaines situations, raisonnable à partir du cinquième mois de vie au plus tôt ». L’introduction de solides à 4 mois (ou à partir du 5ème mois), aussi recommandée par la Société Suisse de Nutrition, est pourtant aussi contraire aux recommandations de santé publique de l’OMS (diversification à 6 mois, ou à partir du 7e mois).

Allaiter au-delà de 2 ans

Pour finir, en Suisse, il est rarement mentionné que l’allaitement peut être pratiqué au-delà de 2 ans (recommandation OMS). La recommandation de continuer l’allaitement après la diversification et jusqu’aux 2 ans de l’enfant, est reformulé en Suisse dans le sens « continuer à allaiter tant que mère et enfant le souhaitent ». Toutefois, l’allaitement prolongé suscite des controverses.

En matière de protection des enfants non allaités, la Suisse n’a pas adopté les Directives OMS et FAO 2007 de préparation, conservation et manipulation dans de bonnes conditions des préparations en poudre pour nourrissons. Au contraire, la Société Suisse de Pédiatrie, tout en faisant référence à l’OMS, conseille de « réchauffer l’eau à >70 degrés C, de la laisser refroidir avant d’y ajouter la poudre pour préparer le biberon de lait artificiel et de le donner au bébé à température corporelle (Paediatrica 2013)». Ceci diffère totalement des recommandations réelles de l’OMS, qui au contraire demandent d’effectuer la préparation (mélange poudre – eau) à température supérieure à 70 dégrés C, puis de laisser refroidir avant consommation- ceci pour protéger des infections dues à la présence de bactéries (notamment salmonelles, enterobacter sakazakii..) dans le poudre de lait, qui n’est pas stérile.

Force est de constater que la protection, la promotion et le soutien de pratiques optimales d’allaitement n’est pas encore une réalité en Suisse aujourd’hui. Pour les mères, et les parents, qui font toujours au mieux pour leurs enfants, le sentiment de culpabilité prime souvent, et pourtant, à qui la responsabilité ? Pour les mères, la famille et le grand public, les messages demeurent contradictoires, et la Suisse ne figure pas parmi les pays offrant un environnement favorable à des pratiques d’allaitement optimales. 

Le score WBTi Swiss de 2020 est 48 / 100.

La démarche WBTi (World Breastfeeding Trends Initiative) l’audit international des programmes et politiques d’allaitement dans chaque pays, a été lancée en septembre 2018 en Suisse (WBTi Swiss). Depuis 2005, plus de 100 pays sont en démarche, et depuis 2015, les Rapports WBTi européens ont été publiés e.a. pour l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni etc.

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